Il n’est pas rare que des compagnies aériennes se fassent épingler par les tribunaux pour avoir refusé à des voyageurs handicapés d’embarquer. Elles se justifient souvent en évoquant des raisons de sécurité. Discrimination ou prévention ? Pour nous aider à y voir plus clair, Alexandra Grevin, Avocat à la Cour, spécialisée dans le droit du handicap, fait le point sur les réglementations en vigueur et livre ses conseils pour bien se préparer.
Peut-on se voir refuser d’embarquer dans un avion à cause de son handicap ?
En France et dans l’Union européenne, le RÈGLEMENT (CE) No 1107/2006 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 5 juillet 2006 concernant les droits des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite lorsqu’elles font des voyages aériens* est le document de référence concernant ces questions. Cette réglementation pose un principe et deux exceptions. Elle affirme tout d’abord qu’« un transporteur aérien ou son agent ou un organisateur de voyages ne peut refuser, pour cause de handicap ou de mobilité réduite :
a) D’accepter une réservation pour un vol au départ ou à destination d’un aéroport auquel le présent règlement s’applique.
b) D’embarquer une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite dans un tel aéroport, si cette personne dispose d’un billet et d’une réservation valables. » (Art. 3).
Les exceptions concernant les voyageurs handicapés sont, quant à elles, énumérées dans l’Article 4 du règlement. La première précise qu’une personne peut se voir refuser d’embarquer pour des raisons de sécurité très précises issues d’un règlement national ou international. La deuxième est liée aux possibles impossibilités techniques, « si la taille de l’aéronef ou de ses portes rend physiquement impossible l’embarquement ou le transport » de la personne.
Qu’entend-t-on exactement par risque de sécurité ?
Cela concerne, par exemple, les voyageurs handicapés qui ne peuvent pas évacuer seul l’avion en cas d’incident, à l’instar des personnes tétraplégiques qui sont paralysées des quatre membres. Ainsi la réglementation précise, dans le cadre de la première exception qu’« un transporteur aérien ou son agent ou un organisateur de voyages peut exiger qu’une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite se fasse accompagner par une autre personne capable de lui fournir l’assistance qu’elle requiert. »
La législation oblige-t-elle les aéroports à proposer une assistance à une personne à mobilité réduite ?
Tout à fait. Il est important de préciser que ce règlement n°1107 / 2006 s’applique exclusivement aux pays membres de l’Union européenne. Ainsi, il incombe à l’entité gestionnaire de l’aéroport de proposer gratuitement une aide au départ, à l’arrivée et lors des transits ainsi qu’au transporteur aérien lors du vol, sur les territoires membre de l’UE.
En cas de litige, quel recours peut-on avoir ?
Dans un premier temps, une plainte peut être déposée contre l’entité gestionnaire de l’aéroport ou contre le transporteur aérien, en fonction du problème rencontré. Si vous n’êtes pas satisfait de la réponse donnée, vous pouvez saisir la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)** ou la Direction du tourisme dans le cadre d’un souci advenu lors d’un voyage organisé***. Pensez à envoyer votre courrier en lettre recommandée avec accusé de réception. Le ministre chargé de l’aviation civile, après consultation de la commission administrative de l’aviation civile, peut également prononcer des sanctions (amende de 7 500 euros maximum par manquement ou 15 000 euros en cas de nouveau manquement ayant eu lieu dans le délai d’un an à compter du précédent).
Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à une personne en situation de handicap qui veut prendre l’avion ?
Quelque soit votre mode de réservation, il est important de signaler vos besoins spécifiques. Selon la réglementation européenne, ces informations peuvent être données jusqu’à 48 heures avant le départ. Mais je conseille de le faire le plus tôt possible et ce, dès la réservation. Autre précaution à prendre : conserver toutes les traces écrites et imprimez les documents témoignant que vous avez bien précisé être en situation de handicap. Si vous voyagez en dehors de l’Union européenne, renseignez-vous auprès de votre compagnie aérienne sur vos droits à l’aéroport du pays de destination. À noter que certaines compagnies, comme Air France et son service Saphir, proposent un accompagnement également dans des pays ne se trouvant pas dans l’UE.
Enfin, pensez à être à l’aéroport dans les temps requis et signalez votre arrivée à un point d’accueil (borne d’appel, bureau d’accueil, comptoir d’enregistrement…). La personne chargée de vous assister viendra vous chercher.
Article rédigé par Handirect
Contact Alexandra Grevin, Avocat à la Cour 12 rue Doria, 34 000 Montpellier Tel. 04 67 79 54 08 www.alexandra-grevin.com agrevin@hotmail.com |
* Document disponible gratuitement sur Handirect.fr, rubrique « informations pratiques »/« Ressources et téléchargement ».
** Direction générale de l’Aviation civile Bureau de la Facilitation et des clients du transport aérien (dre/c2) 50 rue Henry Farman 75720 Paris cedex 15
« Après enquête, la DGAC pourra décider de transmettre le dossier à la commission administrative de l’Aviation civile, seule habilitée à proposer au ministère des Transports, des amendes à l’encontre des compagnies contrevenantes ». Source : Code du handicap 2011
*** Directeur du Tourisme. 23, place de Catalogne 75685 Paris Cedex 14